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Interview Benjamin Dejardin, président de la FNMJ.

« Le marché de printemps ne doit plus s'arrêter à la fête des Mères ! » affirme le président de la Fédération nationale des métiers de la jardinerie (FNMJ).

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« Le marché de printemps ne doit plus s'arrêter à la fête des Mères ! » affirme le président de la Fédération nationale des métiers de la jardinerie (FNMJ).

Vous venez de prendre la présidence de la FNMJ, quels sont vos objectifs ? Ils sont nombreux, parmi lesquels les deux suivants. Le premier concerne un enjeu stratégique, la remise à plat des conventions collectives. Il y en avait plus de 700 en France, l'objectif du gouvernement est de porter ce nombre autour de 100 à 150. Cette réduction va amener les différentes branches à se rapprocher entre elles, ce que nous devons faire de manière proactive pour ne pas subir. Le second objectif est d'étendre l'influence de la Fédération. Aujourd'hui, 540 points de vente y adhèrent, mais entre 200 et 300 n'en font pas partie, et j'aimerais aller chercher tous ceux qui ne perçoivent pas assez l'intérêt de travailler ensemble. Ce sont souvent des indépendants, de petites structures. C'est à nous de leur prouver qu'ils ont tout intérêt à être à nos côtés, pour défendre nos intérêts communs sur le plan social, réglementaire mais aussi fiscal par exemple. La Fédération a obtenu un abattement de 30 % sur la taxe sur les surfaces commerciales (TaSCom), en argumentant que nos produits ne sont pas empilés comme dans un supermarché, mais au contraire étalés comme dans un magasin de meubles, et que de ce fait, le chiffre d'affaires au mètre carré est inférieur à ce qu'il est dans une grande surface classique. Des résultats comme celui-ci, pratiques, poussent les entreprises à l'adhésion auprès d'une Fédération professionnelle.

Quels sont les grands enjeux du secteur pour les prochaines années ? Ils sont multiples. Nous faisons face à des mutations profondes. La première est climatique, et cela touche directement notre activité. Nous observons aussi une évolution de la consommation de la société, une perte de connaissance des besoins des plantes... Sans compter l'arrivée du numérique. Nous ne pouvons rien y changer, l'enjeu est de savoir comment s'adapter. Il va falloir convaincre que si le marché de printemps du jardin s'arrêtait, auparavant, à la fête des Mères, ce n'est plus le cas. Il faut proposer une offre jusqu'à la fin de l'été. C'est un peu une révolution, mais c'est indispensable. L'autre gros enjeu est d'afficher que les produits que nous vendons sont cultivés en France, lorsqu'ils le sont. Pour les végétaux d'extérieur, nous vendons une majorité de produits hexagonaux, mais le consommateur ne le sait pas toujours. Si les producteurs ont de bons produits au bon prix en local, nous n'hésiterons pas à les distribuer. Le label Fleurs de France doit peut-être évoluer en devenant Fleurs et Plantes de France, car il n'est pas assez connu et valorisé. C'est un travail qu'il faut faire ensemble. Sur le produit français, il y a forcément une différence de prix, mais le consommateur est prêt à faire un effort. Il faut aussi travailler sur la logistique, qui explique l'écart de prix entre les produits français et étrangers. La France est un grand pays, la production y est diluée et les coûts de transport plus importants. Il faut limiter cela.

Quel regard portez-vous sur cette nouvelle génération de points de vente urbains, ces magasins branchés de centre-ville qui parfois vendent aussi tout autre chose que des produits pour le jardin ? Nous n'empêcherons pas les clients d'aller acheter dans ces points de vente, mais il reste assez de place pour les spécialistes que nous sommes. Tant que nous aurons des passionnés pour faire fonctionner nos magasins, nous n'aurons pas de problème. Le jour où les magasins se videront de leurs experts, ce sera plus difficile. Et nous trouvons encore ces bons professionnels, capables de renseigner un client en attente de conseils pertinents même s'ils ont besoin d'être formés à la sortie de l'école.

Nous voyons aussi arriver de nouveaux opérateurs qui organisent des ventes sur un week-end, dans un lieu précis fixé peu de temps avant via les réseaux sociaux. Ce phénomène peut-il porter préjudice aux jardineries ? Avec ces concurrents, nous ne travaillons pas à armes égales, nous n'avons ni les mêmes obligations réglementaires ni les mêmes coûts dans nos points de vente. C'est un réel problème.

Des enseignes ont fusionné récemment. Ce mouvement est-il destiné à se poursuivre ? Il est difficile de répondre à cette question. Celle qui en découle est : faut-il s'en inquiéter ? Aux Pays-Bas, l'enseigne Intratuin est très présente et concentrée, et cela ne remet pas en cause le fonctionnement du marché. Aujourd'hui, en France, les jardineries représentent 26 % du marché du jardin, et les trois quarts se répartissent hors jardineries. Il ne faut pas voir la concentration comme une contraction du marché et se faire peur pour peu de choses.

Quelle est la place du végétal dans les jardineries en France, en particulier, celle du végétal produit en France ? Elle est toujours aussi importante. Les jardineries font la moitié de leur chiffre d'affaires sur le marché du jardin, l'autre moitié ailleurs. Sans cette seconde moitié nous ne pouvons pas lisser l'activité, assurer du chiffre en dehors de la saison de vente des végétaux. Il ne faut pas opposer les différentes activités. Plutôt que de dire que les jardineries ne vendent plus assez de végétaux, indiquons que nous sommes plus que des jardineries. L'année 2017 a été bonne pour votre secteur, comment se présente 2018 ? L'année 2018 démarre très lentement, le climat est pour l'instant très défavorable. J'espère que l'idée de prolonger la saison au-delà de la fête des Mères, comme je l'évoquais plus haut, se vérifiera en 2018. Que l'on pourra, comme en 2016, jouer les prolongations en juin, juillet et août !

Propos recueillis par Pascal Fayolle

Légende photo : "J'aimerais aller chercher tous les points de vente qui ne perçoivent pas assez l'intérêt de travailler ensemble", souhaite Benjamin Dejardin, président de la FNMJ. ©Pascal Fayolle

P.F.

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